Les effets sur l’hôte peuvent être multiples. Se nourrir sur un hôte peut induire une réponse immunitaire qui cause un inconfort (voire un sentiment de détresse psychologique chez les humains pouvant aller jusqu’au suicide) (Burrows, 2013), des infections secondaires et la transmission d’agents pathogènes, des changements physiologiques de l’hôte, une altération de la reproduction de l’hôte et des coûts économiques majeurs (chez l’humain) (Ryckman, 1979).
La peur de ces insectes peut être à l’origine d’un délire dermatozoïque, ou
syndrome d’Ekbom chez l’humain, qui correspond à un délire d’infestations cutanées touchant plus fréquemment les patientes de plus de 65 ans dans lequel la personne a la conviction d’être infestée en permanence par les parasites (Dr Lefebvre des Noettes, 2007 d’après Belmin et al., 2007).
L’ensemble de ces effets entraînent des stratégies d’évitement du point de vue comportemental, morphologique, social ou physiologique, comme le fait de se toiletter entre congénères (« grooming ») ou d’éviter les sites infestés chez les hôtes des Cimicidés inféodés aux passereaux, moineaux ou aux hirondelles (Brown et Brown, 1992 ; Loye, 1985 ; Loye et Carroll, 1991), choisir des habitats non favorables au développement des parasites (ce qui signifie aussi, augmenter la dispersion des stades dès l’éclosion) mais aussi utiliser des outils d’éradication des nuisibles.
Les piqûres sont souvent indolores et ne sont généralement ressenties qu’après plusieurs heures car la salive contient des composés anesthésiques (Lehane, 2005 ; Ribeiro, 1995 d’après Valenzueal et al., 1995). D’autres composés sont aussi injectés, dénommés au début du siècle « constituants xénogéniques de la salive de punaise » (Hecht, 1930) : des facteurs anticoagulants (inhibiteur facteur X), des substances vasodilatatrices (comme l’oxyde nitrique) et des enzymes protéolytiques (comme l’apyrase). Ce sont ces substances qui par la suite participent aux réactions d’hypersensibilité (Goddard et Edwards, 2013).
Lésions cutanées rencontrées chez l’homme #
La lésion cutanée typique est une papule maculeuse érythémateuse et prurigineuse de 5 mm. à 2 cm. de diamètre surmontée d’une croûte hémorragique ou d’une vésicule sur le site de piqûre comparable à d’autres piqûres d’arthropodes (Delaunay et al., 2011). D’autres formes atypiques peuvent exister : purpura, lésions bulleuses ou vésiculaires (Chosidow, 2011 d’après Delaunay et al., 2011). La distribution des piqûres suit généralement une ligne ou une courbure sur les zones découvertes (fig. 74). Ces lésions se résolvent spontanément au bout de 2 à 6 semaines à l’exception de lésions d’hyperpigmentation post-inflammatoires permanentes (Heukelbach et Hengge, 2009 ; Reinhardt et al., 2009).
Figure 74 : Lésion cutanée typique de la piqûre de la punaise de lit chez l’homme (Delaunay et al., 2011).
Lésions cutanées reproduites chez la souris de laboratoire #
Goddard en 2014 a cherché un modèle expérimental afin d’étudier les lésions cutanées produites par les piqûres de punaises de lit et de leurs composés salivaires. Pour cela une à deux punaises de lit se nourrissaient sur le dos rasé de 8 souris (fig. 75) et 8 autres se sont vues injecter des extraits salivaires intradermiquement sur la même localisation. L’expérience s’est déroulée à trois reprises sur les mêmes souris en l’espace de 48 heures.
Figure 75 : Repas sanguin des Cimex lectularius sur des souris Swiss-Webster rasées (à gauche) et injections intradermiques d’extraits de composés salivaires de Cimex lectularius (à droite) (Goddard, 2014)
Aucune des souris n’a montré de signes d’inconfort ou de maladies pendant l’expérience et aucun signe cutané imputable aux piqûres des punaises (à l’exception d’une lésion érythémateuse transitoire sur une des souris ayant subi une injection intradermique) (fig. 76).
Figure 76 : Absence de signe cutané retrouvé sur les souris soumises aux piqûres et extraits salivaires des Cimex lectularius après la série de piqûres (Goddard, 2014).
Des biopsies-punch ont ensuite été réalisées sur les sites piqués. Toutes les souris présentaient un nombre sentinelle de macrophages, lymphocytes et mastocytes. Une réaction érythémateuse à l’origine a pu avoir guérie spontanément avant l’analyse anatomopathologique. Les tests ELISA pratiqués (les mêmes utilisés pour les tests d’allergie chez l’humain) pratiqués ont tous été négatifs : les souris n’ont pas assez produit assez d’anticorps pour être détectés par le test durant les 48 heures (fig. 77).
Figure 77 : Réalisation des biopsies-punch sur le site piqué et exemple d’une biopsie cutanée ne montrant pas de signes en faveur d’une réaction allergique et inflammatoire (coloration éosine et hémalun, grosissement microscopie optique X 100) (Goddard, 2014).
Les résultats de cette étude laisse présager deux hypothèses :
-soit les seuils d’exposition aux protéines salivaires ou aux piqûres de punaises avant d’induire une réponse immunologique sont bien plus hauts que ceux des humains ;
-soit les souris utilisées Swiss-Webster ne sont tout simplement pas sensibles aux piqûres de punaises ou à leurs extraits salivaires.
Peu de personnes sont insensibles à la piqûre des punaises de lit (Usinger, 1966), le pourcentage de 20% que l’on retrouve souvent dans la littérature n’est basé que sur une seule étude (Kemper, 1929).
Un être humain est devenu désensibilisé après 2 500 piqûres (Hase, 1917) tandis que d’autres n’en ont montré aucun signe après 100 000 piqûres (Kemper, 1936).
Les personnes insensibles aux piqûres des punaises n’y deviennent pas sensibles après des expositions répétées (Hecht, 1930 ; Kemper, 1936 ; Hase, 1917).
Les réactions allergiques à des piqûres répétées ont seulement été étudiées chez le cochon d’Inde qui finit par avoir une phase de latence très diminuée (Usinger, 1966).
La nature immunologique de la réponse à la piqûre chez l’humain est responsable d’un inconfort majeur surtout si le degré d’infestation est très important (Hecht, 1930 ; Kemper, 1936 ; Ryckman et al., 1981).
Anémie #
De façon naturelle, les punaises récemment nourries contiennent plus de fer que celles à jeûn (Venkatachalam et Belavady, 1962). Pourtant, contrairement à des idées reçues, aucune preuve n’est apportée à l’heure actuelle d’une éventuelle anémie ferriprive lié à la piqûre des punaises de lit chez un hôte vertébré (de même chez les volailles).
Usinger lui-même a étudié son anémie provoquée par les piqûres de punaises qu’il s’infligeait dans le cadre de son étude. Il a conclu que son anémie était causée par une insuffisance régénérative plutôt qu’une carence en fer car l’arrêt des piqûres l’a guéri plutôt qu’une supplémentation en fer.