Lutte mécanique #
Cette lutte, sans l’utilisation d’insecticides, est indispensable afin de diminuer au maximum la charge parasitaire des lieux infestés.
Elle est constituée de plusieurs étapes qui présentent comme avantage de ne pas mettre en place de résistances et être utilisées conjointement. Son principal inconvénient est d’être sans rémanence (Moore et Miller, 2006).
Aspiration
Cette étape consiste en l’aspiration des adultes et juvéniles repérés par la simple observation visuelle. Cette opération ne tue en aucun cas les insectes et ne déloge pas les œufs qui restent accrochés. Il faut bien veiller à nettoyer le tuyau d’aspiration afin d’éviter que les punaises n’en ressortent et le sac obturé ou emballé dans un sac plastique est à jeter dans une poubelle extérieure afin d’éviter toute contamination d’autres sites (Frishman 2000, Gulmahamad 2002).
Nettoyage haute pression : Dans des situations d’invasion extrême, les conduits (aération ou vide-ordures) doivent être nettoyés (Delaunay et al., 2011).
Brossage
Nettoyage à la brosse : brosser à sec ou avec un nettoyant de surface certains recoins ou tissus est un geste complémentaire pour supprimer œufs et jeunes difficiles à mettre en évidence. Attention, le brossage ne tue pas, y associer l’aspirateur ou un grand nettoyage du sol.
Piègeage
“Pièges à colle”
De très nombreux pièges contre les punaises de lit ont été conçus. Des pièges « à colle » sont utilisés par 67% des professionnels selon une étude de prévention des nuisibles américaine (IPM Practitioner, d’après Quarles 2007). Pourtant, ce type de piège est souvent peu efficace, une des hypothèses avancées étant que les punaises à jeun sont aplaties et qu’elles ont à ce stade toujours la capacité de ramper sous ces dispositifs (Gangloff et al., 2006). Luis Agurto de « Pestec IPM Providers » de San Francisco affirme cependant « nous avons pu attraper de très nombreuses punaises avec ce genre de pièges. Notre système de surveillance en déploie 12 par chambre, contre les murs et sous les lits et tables de chevets. Notre succès tient peut- être au nombre des pièges que nous installons par rapport à nos concurrents ». Dans la littérature ancienne réservée aux professionnels, on note un franc succès des pièges en carton ondulé.
Selon M. Agurto de « Pestec », « le meilleur appât pour la punaises de lit est l’hôte lui-même. En fait, il existait un piège utilisé il y a plusieurs années qui consistait en un tube en bois entrecoupé de petits trous et dont les deux extrémités étaient fermées par un morceau de liège. Ce piège était à placer sous les oreillers pour qu’au matin, la victime n’ait plus qu’à retirer un des embouts et en faire sortir les punaises de lit ».
Dans le même registre, il existe une méthode préventive où l’on dispose du papier collant double face sur chacun des bords du lit, les bandes avec les insectes piégés sont ensuite décollées le lendemain matin. (IPM Practitioner d’après Quarles, 2007 ; Gilbert et al., 1977).
Attractifs dérivés de l’hôte
De nos jours, les composés issus de l’hôte sont plus utiles que les phéromones des punaises comme appât dans les différents pièges existants sur le marché. Les punaises de lit, tout comme les moustiques, les tiques et d’autres arthropodes hématophages utilisent dans leur recherche des signaux émanant de leurs hôtes comme le dioxyde de carbone dans leur recherche (Milne et al., 2003 ; Kline, 2006 ; Wang et al., 2011).
Le CO2 est souvent le signal ayant la plus grande portée, puis à mesure que l’insecte nuisible se rapproche, la chaleur et différents composés chimiques prédominent dans la quête de l’hôte (Quarles, 2007 ; Anderson et al., 2009).
Des pièges utilisant de l’acide propionique ou butyrique ont été commercialisés (Anderson et al., 2009).
Puisque les punaises de lit ne possèdent pas d’ailes fonctionnelles et doivent marcher ou grimper quel que soit l’endroit où elles désirent se rendre, un piège constitué d’une simple écuelle été suggéré (à l’instar du dénombrement au sol de populations de scarabées ou d’araignées) (Olkowski et al., 1991).
L’équipe de Wang en 2011 a testé de simples écuelles à chats en plastique retournées utilisées comme appâts grâce à l’émission de CO2, de la chaleur et de composés chimiques comme l’octenol et l’acide lactique. Les punaises restaient piégées dans ces écuelles par une surface rendue glissante soit par un revêtement interne en teflon © ou du talc disposé sur les parois intérieures. La source de CO2 est installée dans un verre ou thermos rempli de neige carbonique (fig. 82).

Figure 82 : Piège « artisanal » contre les punaises de lit à base de neige carbonique (Wang, 2011).
Dans les tests effectués sur de petites enceintes (56 x 44 cm), en 6 heures le CO2 seul a permis la capture de 80% des punaises relâchées, la chaleur autour de 52%, la chaleur associée au CO2 près de 87% et l’association chaleur + CO2 + composés chimiques attractifs autour de 89%.
Dans une plus grande enceinte (3,1 m par 1,8 m) la nuit, l’association des trois composés attractifs, n’a permis de piéger que 57% des punaises de lit.
Ce type de piège est aussi efficace sur le terrain, dans des appartements infestés. Quatre appartements préalablement inspectés visuellement (avec un taux moyen de 12 punaises par logement retirées) ont été choisis pour accueillir ce piège le temps d’une nuit ce piège. Au lendemain matin, on dénombrait en moyenne, 15 punaises supplémentaires. Dans un appartement inoccupé pendant 13 jours, un total de 505 punaises ont été retrouvées (Wang et al., 2011).
Anderson et son équipe ont testé un prototype commercial de l’appareil Nightwatch © libérant des composés attractifs de l’hôte. Ce piège est capable de libérer un de ces trois composés attractifs (CO2, chaleur et composés chimiques) et a été testé dans un enclos de leur laboratoire (183 x 183 cm) et dans des appartements infestés. Le composé le plus attractif est le CO2 selon cette équipe (5 898 punaises attrapées en présence de CO2 contre 656 sans ce dernier). En laboratoire, ces mêmes pièges à CO2 ont attrapés 80 à 87% des punaises de lit contre 55 à 62% pour des pièges sans CO2. Sur trois jours dans un appartement inoccupé, l’appareil Nightwatch © a permis la capture de 50 punaises de lit mais au delà de 31 jours, la traque est significativement moins efficace (Anderson et al., 2009).
Selon son fabricant, BioSensory, le défaut initial ne permettant pas son utilisation optimale sur le long cours aurait désormais été réglé. Un autre appareil utilisant des composés attractifs de l’hôte est également disponible sur le marché, le CDC 3000 (fig. 83).


Figure 83 : Dispositifs de détection des punaises de lit à partir d’appâts dérivés des humains (chaleur, CO2 et composés chimiques) : le CDC 3000 © (à droite) et le NightWatch © (à gauche) (Wang et al., 2011)
On peut concevoir soi-même ce genre de piège grâce à l’utilisation d’une thermos contenant de la neige carbonique associé à une écuelle des animaux de compagnie dont la surface est recouverte de talc comme montré sur la figure 79 (IPM Practitioner d’après Quarles, 2007).
Appareil « Interceptor »
L’un des meilleurs pièges selon la majorité des auteurs est actuellement celui commercialisé par Susan McKnight : le ClimbupTM Insect Interceptor.
Ce piège possède également une forme d’écuelle (deux bols en plastique sont insérés ensembles) mais contrairement aux autres pièges, celui-ci n’a pas besoin de source de CO2 ou de chaleur supplémentaire pour fonctionner. Ces appâts sont en fait directement les êtres humains dormant dans le lit de la pièce où il est installé ! Son inventeur s’est rendu compte que les punaises escaladaient les meubles afin de piquer leurs hôtes dans leur lit. Chaque dispositif est posé au niveau des pieds du lit. Dans le piège original testé par Wang et son équipe en 2011, le bol interne où les punaises sont piégées lors de leur retour vers leur refuge contenait de la poudre diatomée causant leur mort. Le bol externe, plus large contenait de l’éthylène-glycol qui noyait les punaises tentant d’accéder au lit (fig. 84)

Figure 84 : Le piège Interceptor TM, vue de côté (à gauche) et de dessus (à droite) (McKnight et Wang, 2012)
Ce « double-bol » permettait donc de connaître l’origine des punaises de lit. Wang et son équipe avaient prouvé que ce dispositif était capable de piéger en moyenne 220 punaises dans chacun des appartements testés (207 dans le bol externe et 13 dans le bol interne). Il était même supérieur à l’inspection visuelle qui n’avait dénombré que 39 punaises en moyenne dans ces mêmes appartements.
Désormais la version commerciale de ce dispositif (ClimbupTM Insect Interceptor) est composée des deux bols recouverts de talc et le bol externe d’une substance rugueuse afin que la punaise puisse grimper jusqu’au bol interne. Wang a re-testé ces dispositifs en 2011 sur 13 appartements pendant 10 semaines ; l’inspection visuelle comptabilisait un total de 6,7 punaises par appartement en moyenne contre 8,8 punaises supplémentaires avec l’appareil.
Congélation
La recommendation est la congélation à -20°C des petits objets infestés pendant au moins 48h bien que la plupart des punaises meurent déjà à -16°C en une heure (Naylor et Boase, 2010). Les punaises sont vulnérables à partir de températures proches de 0°C mais elles sont encore capables de survivre dès que l’on dépasse cette limite (Quarles, 2007 ; Benoit et al., 2009). Leur longévité sans repas sanguin est supérieure à 10 °C (moyenne de survie des adultes de
413 jours) comparée à une moyenne de 65 jours à 27 °C (Quarles, 2007). Dans les expériences de Schrader en 2011, les punaises adultes survivaient plus longtemps à 16 °C (moyenne de survie de 157 jours) qu’à 4,5°C (moyenne de 99 jours de survie) ce qui suggérerait que des conditions de températures modérement froides pourraient favoriser une survie chez cet insecte. De plus, la durée de digestion du dernier repas sanguin influence très nettement leur survie avec une exposition aux températures froides. On comptait 99 jours de survie si les punaises avaient disposées de 6 jours pour digérer leur dernier repas sanguin contre 36 jours si elles n’avaient disposé que de 48 heures pour leur digestion avec les mêmes gammes d’exposition aux basses températures (Schrader, 2011).
Chaleur
Lavage en machine au moins d’une heure à 60°C (Meek 2003, Wahlberg 2004).
Nettoyeur vapeur à 120°C qui a l’avantage d’éliminer tous les stades dans les lieux échappant aux autres méthodes (Kells, 2006 ; Dogget, 2004). Ces affirmations s’appuient sur les travaux de Pereira en 2009 qui a trouvé le seuil de température létale pour la punaise de lit qui est de 43°C pendant 100 minutes. Cependant les punaises sont capables de se remettre de ces températures si elles ne restent pas assez longtemps exposées et d’autres travaux se sont penchés sur les taux de survie des punaises soumises à des températures sublétales.
Restauration et élimination #
Restauration du lieu auparavant infesté en éliminant les cachettes (plinthes, tapisseries décollées,..).
Elimination du mobilier infesté. A ne pas entreposer dans la rue pour éviter le risque de récupération par d’autres personnes (Delaunay et al., 2011).
- chimique
Insecticides naturels #
La poudre de diatomées joue le rôle de répulsif lors du traitement des refuges. Beaucoup d’insectes y sont sensibles, notamment les punaises de lit. Beaucoup d’auteurs affirment que cette sensibilité daterait du temps où les punaises vivaient dans les grottes. Selon Levinson en 1974, dans les grottes où les punaises ont évolué « le contact de cette poudre (…) est néfaste pour les insectes se regroupant dans les grottes (…) lorsque la roche s’effrite ». En laboratoire le contact avec cette poudre incite les punaises à se déplacer rapidement dans tous les sens et à libérer la phéromone d’alarme en grande quantité (Levinson et al., 1974).
Wang en 2011 a montré une réduction de 97,6 % des appartements infestés avec la poudre diatomée contre 89,7 % avec l’application d’un spray de chlorfenapyr.
Insecticides disponibles en pharmacie #
La lutte chimique avec des produits directement disponibles en pharmacie peut être efficace dans le cadre de très faibles infestations, mais le recours à un professionnel est plus que recommandé. Cette méthode de lutte a le désavantage d’induire des phénomènes de résistance.
Éventuellement guidée par un spécialiste, l’application par un particulier (associée aux méthodes de luttes mécaniques décrites précédemment) d’un insecticide pour « insectes rampants » en des points stratégiques (cadre et pieds du lit, plinthes, pourtour des fenêtres et des portes…) permettra de mettre en place la « lutte indirecte » : les punaises ayant échappé à la lutte mécanique seront tuées au contact de cet insecticide lors de leur prochaine sortie nocturne. L’insecticide ne devra pas être utilisé sur de grandes surfaces (murs, sols…) et pourra par exemple être appliqué deux fois par semaine durant 3 semaines. Une ou deux bombes aérosols doivent largement suffire au traitement pendant 3 semaines. Les bombes «fuger» à dégoupiller au milieu de la pièce ne sont pas conseillées car inefficaces, le nuage insecticide n’atteint pas la totalité des recoins (Delaunay et al., 2011).
Insecticides d’utilisation professionnelle #
Des insecticides chimiques sont souvent nécessaires pour éliminer les punaises. Seuls les insecticides homologués peuvent être utilisés pour éliminer les punaises et ce, par des gestionnaires de parasites qualifiés pour le faire. Les insecticides ne devraient pas être utilisés sur le matelas ou le sommier qui peuvent être traités à la vapeur (méthodes de contrôle physique). Ils devraient être utilisés près des fissures, des fentes et d’autres endroits susceptibles d’abriter des punaises. Les insecticides ne doivent jamais être utilisés directement sur les personnes aux fins d’éradication des punaises de lit.
Une seule application d’insecticide est inefficace, car la demi-vie des insecticides homologués est trop courte pour tuer les punaises qui écloront des œufs. Les expériences en cours et les guides pratiques démontrent que plus d’une intervention du gestionnaire de parasites est nécessaire pour éradiquer les punaises et pour s’assurer que le traitement initial a été efficace (Doggett et al., 2003 et 2006 ; Bonnefoy et al., 2008 ; McKnight et Wang, 2012 ; Moore et Miller, 2006).
De plus, parce qu’ils sont fixés, les œufs ne sont pas délogés par l’aspirateur (Doggett et al., 2006). Il faut donc recommencer le traitement avec l’insecticide entre deux et six semaines après le premier traitement, afin de s’assurer que les insectes nouvellement éclos seront à leur tour éliminés.
L’acide borique est aussi un insecticide homologué, quoiqu’il semble en pratique inefficace contre la punaise de lit.
Une visite de suivi de deux à quatre semaines après chaque application d’insecticide est nécessaire. Si l’éradication est incomplète, il faut en déterminer les causes et mettre en place les mesures appropriées pour éliminer efficacement les punaises.
L’utilisation des insecticides exige certaines précautions tant pour les occupants que pour les gestionnaires de parasites. Ainsi, les occupants ne doivent pas être présents pendant l’application, doivent attendre au moins six heures avant de réintégrer leur logis et au moins 24 heures avant de marcher pieds nus sur les surfaces traitées (Doggett et al., 2006). Enfin, il est important de bien aérer le logement par la suite.
Les travailleurs qui appliquent les insecticides doivent porter des moyens individuels de protection appropriés (vêtements protecteurs, gants, masques, lunettes, etc.).
- insecticides
Depuis plus de 10 ans, les résistances aux insecticides, quels qu’ils soient, sont de plus en plus observées. Ces résistances sont de différents types, entraînant des modifications comportementales (peu de travaux existent de nos jours), physiologiques et biochimiques (Amichot, 1998 d’après Berge et al., 1998).
Modifications physiologiques #
Ces résistances chez les insectes interfèrent avec la cinétique de pénétration des molécules insecticides, les ralentissant, séquestrant et enfin leur permettant une meilleure excrétion. Ce genre de modification n’a pour le moment pas été mis en évidence chez Cimex lectularius.
Modifications biochimiques #
Très étudiées, ces modifications ont pour but d’éviter l’action létale des insecticides sur les insectes en interférant avec des enzymes ou des protéines-ciblées par ces derniers. Il s’agit soit d’une modification du système enzymatique servant à la détoxification qui est alors amplifiée ; soit les molécules précédemment ciblées par les insecticides subissent des mutations de leurs gènes codants, assurant alors une meilleure protection de l’insecte.
De nos jours, trois types d’enzymes sont connues pour leur capacité à métaboliser les xénobiotiques tels que les insecticides et permettent de ce fait la création de résistances. Il s’agit des mono-oxygénases à cytochrome P-450, des glutathion S-transférases et de certaines estérases.
La plupart des études de détermination des phénomènes de résistances aux insecticides se sonr concentrées sur le gène kdr (« knockdown resistance »), favorisant des mutations au niveau de la sous-unité α des canaux sodium-voltage dépendants, cible de la plupart des insecticides. Plusieurs mutations de type kdr ont été mises en cause dans la résistance aux pyréthrinoïdes (fig. 85).
Aux États-Unis d’Amérique, 110 populations de punaises de lit ont été prélevées dont 88% avec des mutations sur ce site (Yoon et al., 2008 et Zhu et al., 2010), mettant en évidence la distribution assez large de cette mutation sur l’ensemble du territoire américain.

Localisations des mutation kdr chez les insectes au niveau du canal sodium voltage dépendant (Zhu et al., 2010)
Les * représentent les mutations connues sur ce site pour Cimex lectularius
Yoon et al. en 2008 ont ainsi mis en évidence deux mutations : V419L (une valine pour une leucine) et L925I (une leucine pour une isoleucine) permettant de décrire trois haplotypes différents en lien avec la résistance à la déltaméthrine des punaises:
Haplotype A : sauvage pour les deux codons, cet haplotype regroupe des populations sensibles et résistantes.
Haplotype B : sauvage pour le premier codon, mutant pour le deuxième. Cet haplotype comporte des populations qui sont toutes résistantes.
Haplotype C : mutant pour les deux codons. Cet haplotype comporte des populations toutes résistantes.
En France, à l’heure actuelle, une seule étude s’est penchée sur l’analyse moléculaire de la résistance aux pyréthrinoïdes de la punaise de lit (Durand et al., 2012).
Deux tours d’immeubles de la banlieue parisienne (Seine-Saint-Denis) ont été inspectées soit 192 appartements sur 198 (97%) du studio au F6 après des plaintes de locataires se plaignant d’infestations massives et perdurant depuis de nombreuses années malgré de précédents traitements insecticides. Le laboratoire de Parasitologie de l’Hôpital de Bobigny a été sollicité par l’Agence Régionale de Santé afin d’y réaliser une étude entomo-épidémiologique et de proposer un traitement insecticide adapté.
40% des appartements étaient infestés, témoin d’une infestation massive de ce complexe immobilier.
Les insectes collectés après une inspection très minutieuse des appartements ont tous été soumis, un à un, à un test ex-vivo avec un produit insecticide afin de déterminer leur phénotype à température ambiante de 24°C (± 2°C) et humidité relative de 60% (± 5%). Ce produit insecticide à usage domestique (A-PAR ©, Omega Pharma, Chatillon, France) contient deux pyréthrinoïdes : néopynamine (effet choc « knock out ») et sumithrine à la concentration de 2,69 g/L pour chacun des composés. Cette association est censée entrainer la mort de l’insecte en quelques minutes par contact direct.
Les insectes sont placés au fond de boîtes de Petri identiques contenant du papier Joseph imprégné de 474 mg de chacun des composés/m2. Au bout de 30 minutes, les insectes sans ou présentant très peu de signes vitaux (tout juste quelques mouvements des antennes, mouvements internes digestifs ou mouvements minimaux des pattes avec ou sans stimulation par une pince) sont dénommés « morts » et sont considérés comme « sensibles » et ceux encore vivants : « résistants ».
Après congélation de chacune des punaises testées, leur ADN a été extrait et amplifié.
Un même haplotype concernant le gène kdr a été retrouvé dans cette étude : L925I homozygote muté et V419 homozygote sauvage, c’est celui du type B de l’étude de Yoon et al. en 2008 et Zhu et al., 2010 utilisé avec la seule deltaméthrine. Seulement 38 % des punaises de lit ont été considérées résistantes. L’association de deux pyréthrinoïdes (sumithrine et néopynamine) au lieu d’un seul (deltaméthrine) peut avoir augmenter l’activité insecticide dans cette étude.
Cependant ces pyréthrinoïdes de synthèse ne sont pas ceux utilisés par les professionnels contrôlant Paris et sa banlieue qui utilisent souvent des composés de carbamate comme le bendiocarbe (utilisé deux ans auparavant dans ces immeubles par deux applications séparées de six mois). Les pyréthrinoïdes sont accessibles en vente libre et sont de ce fait utilisés improprement en terme de concentration et de nombre d’applications par les victimes (Durand et al., 2012) favorisant ainsi les résistances.
Berenger (2011) (d’après Levy Bencheton et al., 2011) va même encore plus loin dans l’analyse, il considère qu’avec l’import de punaises résistantes venues des États-Unis ou du Canada par exemple, on peut considérer qu’on obtient jusqu’à 100 % de résistances aux pyréthrinoïdes qui sont les insecticides les plus vendus aux particuliers directement au comptoir en pharmacie.
Les auteurs ne s’entendent pas encore sur le rôle exact des codons conférant la résistance aux pyréthrinoïdes.
La mutation V419L pourrait jouer un rôle dans la résistance globale aux pyréthrinoides de synthèse mais peut être moins majeur que celui de la mutation L925I qui ayant été sélectionnée plus intensivement que la V419L, joue probablemenent un rôle central dans le mécanisme de résistance (Seong et al., 2010).
La mutation V419L n’a pas toujours été associée à la résistance aux pyréthrinoïdes dans des populations de punaises aux États-Unis, ni toujours avec la mutation L925I pour former un haplotype « résistant » (Yoon et al., 2008 ; Seong et al., 2010). D’autres travaux sont nécessaires afin de savoir si le fait de posséder ces deux mutations est un gage de plus grande résistance.
Insecticides utilisables #
L’organisation mondiale de la santé a recensé en 2006 les insecticides utilisables dans la lutte contre les punaises de lit (Tableau VIII).
Les principaux groupes d’insecticides utilisés de nos jours contre les punaises de lit au niveau mondial sont des pyréthrinoïdes et des régulateurs de croissance. Dans certains pays (à l’exception des États-Unis d’Amérique et des pays d’Europe), les carbamates et les organophosphates sont encore utilisés et de plus en plus des néonicotinoïdes et des dérivés pyrrolés sont employés.
Les pyréthrinoïdes restent le groupe d’insecticides le plus utilisé malgré les phénomènes de résistances bien connus, ils constituent par exemple jusqu’à 95 % des parts de marché utilisés par les entreprises de désinsectisation contre les punaises de lit en Australie (Doggett et al., 2012).
Il existe une résistance connue au groupe des carbamates, même si celle-ci est mois forte que pour le groupe des pyréthrinoïdes (Doggett et al.,, 2012). L’odeur désagréable du propoxur n’incite pas les partiluciers à l’utiliser dans leur foyer.
La formulation des insecticides est à prendre en compte dans le succès de l’éradication. Les sprays, « bombes » ou fumigènes utilisant les aérosols ne permettent pas le contact des insecticides avec les fissures ou recoins des refuges des punaises. Ces produits de plus, sont souvent à base de pyréthrinoïdes.
Les insecticides en poudre sont souvent plus efficaces que la même formulation sous forme liquide. L’équipe de Romero en 2010 a ainsi démontré que la cyfluthrine en poudre sur une population de punaises de lit résistantes aux pyréthrinoïdes pouvait être éradiquée en 24 heures.
Les fumigènes ont l’avantage de traiter de vastes zones, mais leur coût associé à leur toxicité sur les humains nécessitant un ré-herbergement des différents appartements traités et aux alentours est souvent un frein à leur utilisation (Doggett et al.,, 2012).
De nombreux travaux sur la résistance aux insecticides ont été publiés ces dix dernières années au sujet de Cimex lectularius.
Romera et al. en 2007 ont montré la résistance de souches de punaises retrouvées dans des appartements à la déltaméthrine et λ-cyhalothrine à des doses respectivement de 5 200 et 111 fois plus importantes que celles utilisées pour tuer des punaises non résistantes.
En 2011, l’équipe de Tawatsin en Thailande a testé de très nombreux insecticides sur des punaises récoltées dans de nombreux logements et hôtels. Des organochlorés : dichlorodiphenyl trichloro-éthane, dieldrin ; des carbamates : propoxur et bendiocarbe ; des organophosphorés : malathion et fenitrothion ainsi que des pyréthrynoides : deltaméthrine, cyfluthrine, permethrine, λ-cyhalothrine. Tous ces composés ont montré des résistances. Les seuls composés efficaces ont été l’imidaclopride à la dose de 500 mg/L, le chlorfenopyr à 624mg/L et le fipronil à 250 mg/L. Tous ces derniers composés ne faisant pas partie des composés listés par l’OMS en 2006 et utilisables dans la lutte contre les punaises.
Choé et son équipe ont montré en 2014 une différence de survie significativement plus grande des punaises gorgées par rapport à d’autres punaises à jeun lorsque les deux lots sont soumis au chlofenapyr. Cette constatation n’a pas été retrouvée lors de l’utilisation de la deltaméthrine.
D’autres travaux scientifiques sont en cours afin d’identifier des insecticides dont le mode d’action soit différent de celui des pyréthrinoïdes et efficaces contre la punaise de lit.
L’un d’entre eux est un analogue de l’hormone juvénile : le (S)-méthoprène qui a déjà prouvé son efficacité sur les cafards et les puces (Das et Gupta, 1977). Son action sur les punaises provoque des éclosions incomplètes, des cuticules irrégulières, des prolapsus intestinaux à travers la paroi abdominale dorsale (pour le juvénile de stade 3) et la création de juvéniles surnuméraires (du 6ème au 8ème stade juvénile) avec appareil génital mal formé et non fonctionnel. Tous les stades sont touchés mais le dernier stade juvénile y est le plus sensible, l’impact est bien moindre chez les adultes. C’est tout l’intérêt du traitement d’empêcher le passage à l’âge adulte pour des juvéniles qui ne peuvent pas muer et se reproduire (Naylor et Boase, 2010) (fig. 83).
À 30 mg/m2 au laboratoire, il n’y a plus de développement normal des juvéniles. Cet analogue de l’hormone juvénile a même été testé sur des insectes connus pour être résistants aux pyréthrinoïdes et aux carbamates et a été très efficace. Ceci n’est pas surprenant car le (S)- méthoprène n’utilise pas la modulation du canal sodium comme les pyréthrinoides et les carbamates pour son action neurotoxique.
Cependant le (S)-méthoprène utilisé seul serait inefficace dans la lutte car son action reste lente. Il faut atteindre la progression au moins jusqu’au juvénile de stade 3 avant de voir une action qui n’est pas simultanée sur tous les insectes, les adultes de plus n’étant quasi pas affectés.
Pour l’utiliser efficacement, il faudrait employer un autre insecticide tuant rapidement les adultes, ainsi les survivants n’auraient pas de descendance viable.
L’ivermectine, un nouveau traitement systémique contre les punaises de lit #
Sheele et al. (2013) ont prouvé que l’ivermectine, provoquait la mort de près de 98% des punaises testées (n=81) lors des repas à travers une membrane artificielle de sang humain contenant 260 ng/mL d’ivermectine au bout de 13 jours de traitement. Avec du sang de souris à la même concentration d’ivermectine, ce taux de mortalité n’est que de 86%. L’ivermectine agit aussi sur le phénomène de mue : les juvéniles survivants n’ont jamais pu muer 75 jours après la prise d’ivermectine.
Le coût de développement d’un nouvel insecticide à mettre sur le marché est très conséquent, il avait été estimé à 180 millions de dollar en 2011 par Weeks et al.. Il est donc très peu probable que l’on trouve de nouveaux produits « miracles » anti-punaises de lit dans les prochaines années. D’autres pistes restent à explorer notamment les formulations qui toucheraint directement certains composés de la cuticule de ces insectes extrémement résistants à la déshydratation (Benoit, 2007) voire d’autres formulations permettant une meilleure adhérence de l’insecticide sur l’insecte (Doggett et al.,, 2012).